Cultures numériques
dans l’enseignement

1. Qu’est-ce que la veille ?


1.2.1 Trois contextes expliquant l’essor de la veille

La veille est une  problématique issue du monde des entreprises, apparue à la fin des années 80 et qui s’est développée dans les années 90.

 

Dans les entreprises, s’est imposée la notion de “veille stratégique”. D’après David Coudol et Stéphane Gros, on peut la définir comme « un système d’aide à la décision qui observe et analyse l’environnement scientifique, technique, technologique et les impacts économiques présents et futurs pour en déduire les menaces et les opportunités de développement. Elle s’appuie essentiellement sur les informations ayant un caractère stratégique ou des décisions importantes lui associant le terme de veille stratégique »

(http://www.agentintelligent.com/veille/veille_strategique.html)

 

Pourquoi cette activité professionnelle, consistant à surveiller l’environnement, les évolutions dans un domaine précis, est-elle devenue « l’affaire de tous » ? Il faut évoquer rapidement le triple contexte, qui conditionne le développement de la veille.

 

1. La société informationnelle : La maîtrise de l’information (et la veille) comme « condition de survie » ?

 

Le rapport final du Comité présidentiel sur l’information literacy de l’American Library Association présentait (en 1989 déjà !) les compétences informationnelles « comme une série de compétences qui permettront à l’individu de survivre et d’avoir du succès dans la «société de l’information». ». La veille, pointe avancée de la maîtrise de l’information, revêt un enjeu d’autant plus important pour la décision, le pilotage, à quelques niveaux que ce soit : du simple usager au chercheur ou au responsable politique, la capacité à s’informer, à analyser correctement l’information, à y déceler les tendances qui nous concernent, etc., est devenue primordiale, beaucoup plus vitale qu’auparavant, où cette fonction de maîtrise informationnelle était réservée aux seuls décideurs et aux intellectuels.

 

2. L’ère de l’innovation permanente : la veille comme nécessité et condition de l’innovation

 

Le deuxième contexte, étroitement lié au premier, est celui de « l’innovation permanente ». « Nous sommes entrés dans l’ère de l’innovation permanente », selon l’expression du philosophe Bernard Stiegler. Cela signifie essentiellement trois choses :

  • un prodigieux raccourcissement des cycles de l’innovation : entre le moment de l’invention et celui de la diffusion d’une innovation, nous sommes passés de délais de 10 ou 15 ans au 19ème siècle à quelque s mois aujourd’hui ;
  • une accélération non moins prodigieuse des innovations techniques de toutes sortes : il se fabrique des milliers de nouveaux produits chaque année (pour la seule année 2007, 156 100 brevets ont été déposés dans le monde…) ; on peut également citer les exemples des innombrables innovations sur Internet depuis 10 ans ;
  • L’un des effets majeurs de ce phénomène « d’innovation permanente » touche à la représentation de l’avenir, notamment à l’extrême difficulté à prédire, à prévoir ce que seront les technologies (et leurs usages) dans 10 ou 20 ans ; « nous préparons actuellement des étudiants pour des métiers et des technologies qui n’existent pas encore… afin qu’ils puissent résoudre des problèmes dont nous n’avons encore aucune notion ». (J.M. Manach)

L’une des conséquences directes de l’innovation permanente est la très grande difficulté à prédire les produits, les métiers de demain ; d’où la nécessité, vitale pour les entreprises, les chercheurs, les ingénieurs, de surveiller constamment l’environnement technologique. La veille est donc à la fois rendue nécessaire par l’innovation permanente, et elle est en retour une condition, un puissant facteur de l’innovation, créant ainsi un phénomène circulaire, de boule de neige de l’innovation. Il faut veiller pour surveiller une innovation devenue imprévisible et en veillant, on favorise l’innovation et on accélère ce phénomène à l’infini.

 

3. Le numérique et Internet : La veille à la portée de tous ?

 

Le troisième contexte est évidemment celui de la révolution numérique, d’internet, du web social, et ce contexte est marqué à la fois par l’inflation documentaire (en lien avec la société informationnelle), par l’évolution permanente des outils de veille (conséquence directe de l’innovation permanente), et par la démocratisation sans précédent des pratiques de veille liée au web social).

 

Ce triple contexte constitue ainsi la toile de fond de la question de la veille et de ses enjeux, et la raison principale de ses évolutions.